Cet axe pose à nouveaux frais la question des expressions culturelles, en lui associant des données quantitatives (statistiques, juridiques, administratives). Il s’agit d’étudier plus particulièrement les espaces sociaux travaillés par les « cultures » (traditionnelles, urbaines, nationales, globales), et d’identifier les instances de médiation entre populations et structures de pouvoir.
Avec la révolution démocratique de 1991, puis la création des communes issues de la décentralisation administrative, on a assisté au réveil de petites entités politiques précoloniales, qui avaient chacune leurs spécificités historiques, géographiques et culturelles. Ce sont désormais Internet, la télévisionet les stations de radios FM, tout autant que les ONG multiples, qui promeuvent de façon massive les identités locales.
Si ces organismes sont prescriptifs, ils sont également dispensateurs de moyens à la fois matériels et symboliques, dont les institutions nationales maliennes, privées ou publiques, suivent les injonctions. Des groupements en tout genre parlent aujourd’hui de « racines culturelles », de « droits culturels », de « patrimoine culturel », de « développement culturel », faisant échos à ce qui se passe dans la plupart des pays africains. Des festivals culturels se déploient sur tout le territoire, financés par les organismes internationaux, mais aussi des entreprises privées, des associations, voire des mouvements religieux. Nouvelle mise en scène de l’identité des « terroirs », le festival constitue là une arène politique locale et nationale, à l’instar du Festival du Niger, du Festival d’Essakane, ou encore du Maouloud.
Cet engouement pour la « culture » induit une nouvelle cartographie des pôles culturels régionaux qui s’inscrit dans le processus de décentralisation, la mise en place d’infrastructures culturelles et la formation aux métiers de la culture. Si ce secteur est encore peu professionnalisé, de nouveaux acteurs émergent, médiateurs, prescripteurs, opérateurs, entrepreneurs, en lien avec les réseaux internationaux (world music, art contemporain). Partout les énonciateurs de culture(s) se sont emparés des nouvelles technologies de communication, dont le développement est conditionné aux politiques territoriales d’accès à Internet. D’un côté, les initiatives locales se multiplient (web-radio, home studio, sites Internet, etc.). De l’autre, ce sont les entreprises des nouvelles technologies de communication qui façonnent les politiques culturelles. Il s’agit là de politiques nationales, mais aussi régionales et même panafricaines, avec la création de produits culturels spécifiques au public africain (sites de streaming, applications pour Smartphones, etc.). Ces réseaux sociaux sont de nouveaux prescripteurs de cultures qui agissent sur les pratiques et les opinions publiques. De ce point de vue, les politiques de développement ne peuvent ignorer ces dynamiques qui transforment, en les homogénéisant, la manière dont les représentations et les discours sont transmis.